Dans un livre-entretien intitulé « Sans Jésus, nous ne pouvons rien faire » sorti le 8 janvier 2020, le pape François délivre une feuille de route sur la mission.
Loin d’être une méthode toute faite, la « mystérieuse fécondité de la mission » naît du « vertige que l’on éprouve en présence des paroles de Jésus », déclare le pape François dans un ouvrage intitulé Sans Jésus, nous ne pouvons rien faire, sorti ce 8 janvier 2020 aux éditions Bayard. Dans ce livre-entretien conduit par le journaliste italien Gianni Valente, le souverain pontife s’élève contre toutes les attitudes conduisant à travestir la mission. Dans un style presque lapidaire, il rétablit le sens de l’attitude missionnaire et dénonce les comportements conduisant à la travestir. Voici ses dix punchlines les plus importantes.
1 – ALLER AUX PÉRIPHÉRIES
«« Église en sortie” n’est pas une expression à la mode de mon invention. Elle est un commandement du Christ, qui, dans l’Évangile de Marc, demande aux siens d’aller à travers le monde et de prêcher la bonne parole (…). Soit l’Église est en sortie, soit elle n’est pas l’Église. Soit elle est annonce, soit elle n’est pas l’Église. Si l’Église ne sort pas, elle se corrompt, se dénature. »»
D’entrée de jeu, le Pape recadre ceux qui verraient en cette expression un simple slogan éculé. Son origine se trouve dans l’Évangile.
2 – SE LAISSER SURPRENDRE
«« La mission n’est pas un projet d’entreprise bien rodé. Ce n’est même pas un spectacle organisé pour compter le nombre de personnes y prenant part grâce à notre propagande. L’Esprit saint agit comme il le veut, quand il le veut et où il le veut. »»
Le pape argentin met ensuite en garde contre toutes les attitudes cherchant à scléroser l’attitude missionnaire, rappelant que l’Esprit saint en est à l’origine.
3 – SE METTRE À L’ÉCOUTE
«« La mystérieuse fécondité de la missionne ne tient pas à nos intentions, à nos méthodes, à nos élans et à nos initiatives, mais elle est liée à ce vertige : le vertige que l’on éprouve en présence des paroles de Jésus. »»
Il en vient ensuite au cœur du secret missionnaire : la rencontre avec le Christ.
4 – TÉMOIGNER ET NON PAS DÉCLARER
«« Dans l’expérience commune, on n’est pas frappé si l’on rencontre quelqu’un qui circule en martelant ce qu’est le christianisme. (…) Dans l’expérience commune, il arrive le plus souvent d’être marqué par la rencontre avec une personne ou une réalité humaine qui surprennent par des gestes et des mots révélant la foi dans le Christ. »»
C’est pourquoi selon le pape le témoignage vaut bien plus que les longs discours. La mission, souligne-t-il, relève de l’attraction.
5 – FAIRE L’ÉLOGE DE LA TENDRESSE DE DIEU
«« Annoncer l’Évangile à haute voix ne consiste pas à assiéger les autres à l’aide de discours apologétiques, à hurler rageusement à l’adresse des autres la vérité de la Révélation. Il n’est pas plus utile de lancer à la tête des autres des vérités et des formules doctrinales comme si elles étaient des pierres. Quand cela se produit, c’est le signe que les paroles chrétiennes elles-mêmes sont passées à travers un alambic et se sont transformées en idéologie. »»
L’évêque de Rome pointe encore le risque de transformer l’Évangile en idéologie. Il ne manque ici pas l’occasion de rappeler aux fidèles les dangers du prosélytisme dont on se rapproche dès lors qu’on veut se passer de « l’attraction du Christ et de l’œuvre de l’Esprit ». Loin d’appartenir au passé ou à l’époque du colonialisme, le prosélytisme peut exister « aujourd’hui au sein des paroisses, des communautés, des mouvements ou encore des congrégations religieuses », met-il en garde. Selon le pape, la « répétition littérale » de l’annonce de l’Évangile n’a pas « d’efficacité en elle-même » et peut tomber dans le vide si les personnes à qui elle s’adresse n’ont pas l’occasion de goûter à la « tendresse de Dieu ». Ce n’est pas en « martelant ce qu’est le christianisme » ou en prêchant sur le bien et le mal que l’on convertit mais bien avec des « gestes et des paroles » révélant le Christ. L’expérience de la conversion est ainsi assimilable à celle d’un enfant observant les gestes d’amour de ses parents : avant de savoir ce qu’est l’amour, il l’observe.
6 – AVOIR L’HUMANITÉ POUR FAMILLE
«« Aujourd’hui il existe des cercles et des milieux qui se présentent comme illustrados, « éclairés », et enferment l’annonce de l’Évangile dans leurs logiques distordues qui divisent le monde entre « civilisation » et « barbarie ». (…) Ils tiennent une grande partie de la famille humaine comme une entité inférieure. »»
Sans détour, le Pape dénonce également des attitudes élitistes, bien loin du message évangélique.
7 – COMPRENDRE QUE CHAQUE BAPTISÉ EST APPELÉ
«« Parfois dans l’Église, j’entends parler de “laïcs engagés”. Cette formule ne me convainc pas. Si vous êtes un laïc baptisé, vous êtes déjà engagé. Le baptême suffit. Il n’est pas nécessaire d’imaginer un baptême double, un baptême spécial réservé à la catégorie des “laïcs engagés ». »»
Pour le Pape en effet, chaque baptisé est appelé à la mission et personne n’a de « compétence » particulière pour maintenir vivante l’Église !
8 – SE LAISSER PORTER AU LIEU DE VOULOIR CONTRÔLER
«« Un trait distinctif [du missionnaire] consiste à faciliter la foi et non à la contrôler. (…) Ne pas mettre d’obstacle au désir de Jésus d’embrasser tout le monde, de guérir tout le monde, de sauver tout le monde. Ne pas faire de sélections, ne pas établir de “douanes pastorales”. Ne pas faire partie de ceux qui se tiennent sur le pas de la porte pour contrôler si les autres possèdent les qualités nécessaires pour entrer. »»
Le souverain pontife dénonce ainsi certaines barrières sur le plan pastoral.
9 – LA MISSION EST UN CONTACT HUMAIN
«« Comment imaginer que la foi puisse se transmettre comme une espèce de transplantation de l’organisation d’un pays dans un autre (…). L’inculturation ne se fait pas dans des laboratoires théologiques, mais dans la vie quotidienne. Il faut se garder de tous les systèmes, de toutes les sortes d’annonces qui, sous n’importe quel prétexte, essaient d’imposer cette présentation (…). La mission est un contact humain, elle est le témoignage d’hommes et de femmes qui disent à leurs compagnons de voyage : “Je connais Jésus, je voudrais te le faire connaître”. »»
Quelques mois après le synode sur l’Amazonie, il revient encore sur une thématique chère à son cœur : celle de l’inculturation. Et ne mâche pas ses mots.
10 – HABITER LE TEMPS
«« Pour suivre Jésus et annoncer l’Évangile, (…), il faut aussi “se poser”, demeurer dans les lieux et les situations où le Seigneur nous conduit. Sinon la mission peut devenir un prétexte pour faire du tourisme spirituel déguisé en apostolat, ou un exutoire à sa propre inquiétude.” Et le Pape de renchérir : “Il ne s’agit pas de faire de l’animation missionnaire comme s’il s’agissait d’un métier, mais de vivre avec les autres, de les suivre pas à pas, de demander à les accompagner en apprenant à cheminer à leur rythme. »»
Enfin le chef de l’Église catholique met en garde contre la tentation de « l’animation missionnaire ». Celui qui part en mission dans un pays étranger doit se laisser « modeler dans la patience », se fondre dans le quotidien d’un peuple.